Directeur de la communication de la ville et de la métropole de Rennes, Laurent Riéra insiste sur l’importance de la pédagogie et du dialogue pour rétablir la confiance de la population dans les institutions démocratiques.
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A quels types de bouleversements votre métier est-il aujourd’hui confronté ? Quelle incidence cela a-t-il dans votre quotidien ?
Dans mon champ d’action, l’un des principaux bouleversements récents est institutionnel et découle des modifications instaurées par les lois Maptam et NOTRe. Notamment les changements de compétences ou de périmètres pour la quasi totalité des collectivités territoriales. Quand les régions, les agglomérations et même les communes fusionnent, c’est tout un écosystème qui est chamboulé et voit émerger des enjeux forts en matière d’identité (on l’a vu avec le feuilleton du nom des régions), d’image, d’accompagnement du changement, de pédagogie de l’action, d’efficience du service public. Du sommet de l’État jusqu’au plus petit échelon territorial, il s’agit de réajuster les politiques publiques et de le faire savoir, comprendre et accepter par la population, mais aussi par tous les autres acteurs, entreprises, partenaires sociaux, investisseurs, etc.
Parmi ces évolutions, a été confirmée la montée en puissance des métropoles comme moteurs du développement des régions. Dans le cas de Rennes, la métropole connait une métamorphose rapide et sans précédent, avec l’arrivée en 2017 de la LGV, qui mettra Paris à moins de 1h30, mais aussi avec l’ouverture d’un Centre des congrès, d’une Cité internationale des étudiants chercheurs, d’une nouvelle gare, sans oublier la mise en service de la 2e ligne de métro, qui est un vecteur de rénovation urbaine extrêmement puissant. On ne compte plus les opérations d’aménagement qui modifient et modernisent le tissu urbain, y compris en cœur de ville avec le nouveau quartier EuroRennes. Dans ce cadre, un directeur de la communication est obligé de raisonner en permanence à deux échelles : d’un côté les grands chantiers, le développement économique, le rayonnement culturel, l’attractivité, la concurrence; de l’autre la proximité, le service et toutes les politiques de solidarité et de cohésion sociale.
L’autre bouleversement qui impacte fortement nos métiers est lié à la crise de confiance que connaissent les institutions démocratiques. La parole publique est de moins en moins audible par une partie de la population, ce qui pose une vraie question de légitimité et donc d’efficacité des décisions prises par les pouvoirs publics. Face à ce phénomène, les communicants sont placés devant une responsabilité particulière, celle d’accompagner les élus, pas à pas, dans la reconquête de la confiance. Pour arriver, comme le dit Pierre Rosanvallon, à « créer un sentiment de démocratie permanente, de démocratie continue ». C’est un combat de terrain, qui se mène le plus souvent au niveau local, où sont tentées des expériences très novatrices de démocratie participative. La maire de Rennes, Nathalie Appéré, a posé les bases, dès le début de son mandat d’une « fabrique citoyenne », pour co-construire les politiques publiques avec les habitants. Avec un budget participatif, qui représente chaque année 5% du budget d’investissement de la ville, et qui a rencontré un gros écho pour sa première édition en 2016. C’est tout nouveau, ça bouscule les habitudes, ça percute l’administration, ça nécessite beaucoup de pédagogie et de persuasion.
Comment y faites-vous face ?
La transition numérique, qui met à notre disposition un panel d’outil nouveaux, extrêmement performants, doit nous aider à relever tous ces défis. Qu’il s’agisse d’applications, de plate-forme open data, de modélisation 3D, de réseaux sociaux et bientôt de chatbots, qui vont évidemment intégrer la sphère publique dans les mois qui viennent, tout ce qui contribue à créer un lien fluide et permanent avec la population vient irriguer et enrichir nos pratiques. L’impératif, et nous rejoignons là des préoccupations qui sont aussi celles des communicants corporate, est de remettre l’usager du service public, le citoyen, l’expert d’usage, au cœur de nos réflexions, de nos stratégies, de nos actions. Avec la même toile de fond : cette société numérique qui nous invite à engager le dialogue, partout et tout le temps.
Sur ces problématiques, quelles sont les initiatives d’autres entreprises ou venues de l’étranger qui vous inspirent ?
La démarche et les outils qu’a mis en place Axelle Lemaire pour co-élaborer avec tous les Français la loi sur le numérique me semble assez exemplaire de ces nouvelles façons de produire de la norme, de revivifier le contrat social. Nous avons repris pour le budget participatif de Rennes la même plateforme numérique, développée par la start-up Cap Collectif, pour permettre aux habitants de suivre tout le processus, depuis le dépôt des projets jusqu’au vote en ligne. Budget participatif dont Paris a d’ailleurs été le précurseur en France, en se référant à des expériences menées au Québec, en Chine ou au Brésil.
Nous nous appuyons également sur les nouveaux outils et modèles de la presse privée pour diffuser une information sur les politiques publique la plus fiable, réactive et pédagogique possible. Dans les collectivités, la prochaine étape de la communication passera par les pure players, les applications d’information et les robots conversationnels, dont nous étudions de près le développement. Même s’il ne s’agit pas de trop marketer la parole publique, nous devons nous adresser aux gens là où ils sont, en mobilité, sur tous les réseaux sociaux, en employant les codes qu’ils connaissent et en accordant de plus en plus de place à l’image, à la vidéo, à l’infographie.
C’est dans cette logique que nous diffusons désormais en direct et en vidéo sur Internet le conseil municipal de Rennes, en menant un travail pédagogique en temps réel sur notre site et sur Twitter (#CMRennes), où nous apportons de l’information et où nous répondons à toutes les interpellations sur les délibérations votées.
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